Absurd prit le livre ramassé par Nerfav et en examina la couverture. Sur le cuir fatigué était inscrit en lettres gothiques :
Histoire Akatéenne
Tome III : MYTHES ET LÉGENDES
"Ma foi, voilà un fort bel ouvrage pour commencer. Un grand classique certes, mais toujours source d'inspiration pour les chansons au coin du feu. D'ailleurs j'ai une anecdote à ce propos, c'était quand..."
Devant l'air légèrement agacé de Nerfav, le barde comprit qu'il avait tout intérêt à rentrer directement dans le vif du sujet. Il sortit un bout de parchemin et une plume de sa poche, et regarda autour de lui d'un air ennuyé.
"Qu'y a-t-il ? Lui demanda Nerfav.
- Hm, à vrai dire je n'ai point d'encre... Il faut dire qu'au départ je n'ai pas voyagé jusqu'à Eau-Changeante pour donner des cours de lecture, mais ça me rappelle une histoire semblable...
- Ne bouge pas, l'interrompit Nerfav, je vais te chercher ça."
Sur ces mots il empoigna son arc et escalada en vitesse l'échelle qui menait au dehors.
Absurd regarda autour de lui et constata avec tristesse qu'il n'y avait pas de bouteille apparente, "dommage, j'aurais quand même bien goûté ce rhum", pensa-t-il.
Un quart d'heure plus tard, Nerfav était de retour, il posa la table un petit récipient rempli d'un liquide aussi noir que le royaume de Nodens.
"Voilà de l'encre de pieuvre, fraîchement récolté par mes soins. Reprenons."
Décidément, la capacité de réaction des Amranéens et leur détermination à accomplir la tâche qu'il s'était fixée n'avaient pas fini de l'étonner, pensa le barde.
Il trempa sa plume dans l'encre, et traça de grandes lettres sur le parchemin.
"Bon, tu m'as dit déjà connaître l'alphabet, mais il faut maintenant passer à l'étape supérieure : l'association des lettres pour former des syllabes, qui vont elles mêmes former des mots. Ces mots que tu connais déjà à l'oral ont tous leur congénère à l'écrit, et tu verras qu'au bout d'un certain temps tu ne les différenciera plus..."
*
Absurd était arrivé en fin de matinée à Eau-Changeante, aussi, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'en regardant à travers la vigne qui recouvrait tel un rideau les fenêtre de la maison de son hôte, il s'aperçut que Cycléis s'apprêtait à changer de parure. La journée était passé particulièrement vite. Nerfav avait assimilé toutes les informations à une vitesse prodigieuse pour un quasi-néophyte, il était resté tout ce temps extrêmement concentré, le barde avait pu lire su son visage une volonté d'apprendre qu'il avait rarement vu jusque là.
Son "élève" était peut-être issu d'un milieu modeste qui ne lui avait pas offert les possibilités d'apprendre la lecture et l'écriture, mais il avait en tout cas apprit l'opiniâtreté ; car il pouvait désormais déclarer qu'il savait lire. Certes il lui fallait encore recourir à l'aide du barde pour déchiffrer certains mots particulièrement retors, mais quelques leçons de plus effaceraient ces dernières difficultés.
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