Absuurd se figea et regarda autour de lui. Le sentier sur lequel il marchait s’était enfoncé dans une portion particulièrement dense de la forêt, rendant l’atmosphère inquiétante pour le voyageur égaré qu’il était. Tandis que ses yeux sondaient les profondeurs de la forêt, il réfléchit très vite.
Qui cela peut-il bien être, un impérial ? Peu de chances d’en croiser dans un bois à cette heure avancée de la journée… Au pire un bandit, au mieux j’ai atteint mon but.
D’une voix qui se voulait vaillante, le barde s’exclama :
- Qui êtes-vous ? Sortez de votre cachette !
Un silence suivi sa phrase… Même la forêt semblait particulièrement calme, comme si tous les oiseaux qu’il avait entendu jusque-là guettaient eux aussi la réponse de celui qui l’observait, là, quelque part dans la pénombre.
Mais ce n’est pas ce qui inquiétait le plus Absuurd, car il devenait maintenant évident que la luminosité baissait de plus en vite ; Cycléis quittait son étincelante parure de jour, et n’aller pas tarder à revêtir sa robe blanche de nuit, ce qui signifiait qui quiconque n’était pas à l’abri à ce moment-là risquait fort de ne pas voir le matin.
Tout à coup, une branche craqua. Avant qu’Absuurd ait le temps de réagir une silhouette atterrit souplement devant lui. L’homme qui venait de sortir de sa cachette était de taille moyenne, son visage était caché par une capuche d’un vert sombre, et il portait ce qui semblait être une armure de cuir souple. Ce dernier détail marqua Absuurd, lui qui était habitué aux cuirasses rutilantes des gardes des cités-états. L’inconnu semblait avoir l’habitude de se déplacer discrètement dans les bois, et le pommeau d’épée qui dépassait derrière son épaule ne rassurait pas le barde.
- Euh… Vous me voyez bien aise de rencontrer quelqu’un, je commençais sérieusement à m’inquiéter, peut-être pourriez-vous m’indiquer, euh… un endroit où passer la nuit en sécurité ?
L’homme lui répondit d’un ton ironique :
- Pauvre impérial égaré… Pourquoi n’es-tu pas resté à l’abri derrière tes remparts ?
- Moi, un impérial ? Vous faites erreur, au contraire, je suis recherché par la milice pour blasphème à l’Empereur, j’ai écrit un air dont vous me direz des nouvelles, attendez voir…
Absuurd allait saisir son luth lorsque l’homme des bois dégaina son épée à une vitesse effarante, et avant que le barde ait pu comprendre ce qui se passait, la lame était posée sur sa gorge.
- Encore un geste et jamais plus tu ne chanteras !
Absuurd s’immobilisa. Il avait évidemment peur, mais aucune circonstance ne l’avait jamais empêché de faire de l’humour.
- Oui oui, je ne bouge plus, mais bon vous savez, on a rarement vu un luth agresser quelqu’un… Et puis me menacer de ne plus pouvoir pousser la chansonnette, c’est en train de devenir une manie akatéenne, vous me faites pensez au juge impérial qui pas plus tard qu’hier…
- Silence ! Tu parles tellement que je n’arrive pas à réfléchir… Et puis le coup du hors-la-loi impérial qui vient chercher refuge chez les rebelles, ça sent le coup monté à plein nez, vous nous prenez vraiment pour des imbéciles, vous autres impériaux, votre arrogance m’étonnera toujours.
- Oh, vous êtes donc bien un amranéen ? Tant mieux, j’ai eu peur un moment que vous soyez un malandrin. Et puis sérieusement, moi, un espion ? Enfin regardez-moi de plus près, les impériaux sont peut-être balourds, mais pas au point d’équiper un des leurs d’un luth et d’une lyre pour une mission d’infiltration, soyons logique… Au fait vous pourriez éloigner ce coupe-chou de ma gorge, cela n’est vraiment pas pratique pour parler.
L’inconnu abaissa son épée. D’une main, il rabattit sa capuche en arrière et dévoila son visage.