Brume ;
Quand je me lève, un rayon fugace transperce la mer blanche de la brume pour m'aveugler. J'aurais dû fermer les volets. Je secoue la tête, et peu à peu la pièce se dévoile : le lit en désordre, l'armoire entrouverte comme une bouche énorme, divers vêtements jonchant le sol. Un pantin de bois, suspendu au plafond, oscille doucement au gré de la brise qui s'échappe de la fenêtre béante. Quelques grelots, attachés au poignet de la marionnette, laissent échapper des sons métalliques.
La tête encore pleine de songes et de fantasmes, j'avance tranquillement jusqu'à la porte, donnant sur la cuisine. Machinalement, je saisis la casserole qui traîne sur la table, et la met à chauffer. Un café d'hier vaut mieux rien du tout ; En plus j'ai un rendez-vous, aujourd'hui. Le carrelage blanc, au contact de mes pieds nus, est glacé. Je ne le sens presque pas, absorbé par mes pensées. J'ai rêvé d'elle, cette nuit, encore.
Maintenant que je me suis réchauffé avec quelques décilitres de boisson brune, je mobilise mon corps engourdi vers la salle de bain. Dans le cabinet de nacre, un torrent d'eau chaude salvateur finit d'isoler mon être du monde extérieur. Il n'existe plus rien à part l'eau et la chaleur. Pas de voisins pour crier, pas de factures à payer ni de témoins de Jéhovah pour me sonner les cloches. Rien que moi, et cette cascade brûlante qui n'en finit pas de couler.
Le temps semble s'allonger, comme déformé. Plus rien n'existe, donc plus rien n'a de sens. Mon existence même semble anecdotique. Mon univers se limite au plus basique. Noir, vert... Bruit ! Ma pensée n'est plus rythmée que par quelques mots aléatoires. Menthe.
Et puis, comme rappelé à l'ordre par mon horloge interne, je finis par couper l'eau. Froid. J'attrape la serviette qui traînait sur l'étendoir, à portée de main. Elle est rêche. Une fois sec, ma vie reprend son cours : Je retourne dans la chambre, en me cognant la tête dans une étagère au passage. Le carrelage semble moins frais avec des chaussettes aux pieds... Aïe ! Je me cogne dans une étagère avant de passer le seuil de ma chambre. J'allume la radio, trouve une station potable, et commence à m'habiller en me trémoussant sur Johnny Be Good. Une fois enfilé, mon pull me gratte.
Le brouillard qui obstruait le défilement de mes idées se lève peu à peu, laissant place aux questions et ruminations diverses qui me hantent jour et nuit. Et maintenant que le moteur est lancé, plus moyen de l'arrêter ! Les factures, les voisins chiants, le patron, tout un tas de problèmes. Mais il y a aussi cette fille. Merde, je pense encore à elle...
Je suis surpris par la sonnerie de mon téléphone. Je sursaute, avant de lancer ma main vers le bureau. C'est un message de mon meilleur ami, Ben ;
Moi qui pensait passer une matinée simple et tranquille !