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SUJET : Voler

Voler 13 Fév 2014 21:30 #23612

  • Amaesis
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Il avait toujours rêvé de voler. Depuis son plus jeune âge, il était jaloux des oiseaux, téméraires aviateurs nés pour l'envol. Il passait des heures le nez vers le ciel, à se persuader que lui aussi pourrait planer là-haut, quand il serait grand. Il était passionné par les parachutes, les parapentes, les montgolfières... En somme, par tout ce que l'Homme avait inventé pour égaler les oiseaux. L'avion ? Quelle horreur ! Cette carcasse métallique, prison honnie, barrait la route aux douces caresses du vent. Le mot même le hérissait de dégoût. « Prendre l'avion, c'est feindre d'aimer voler alors qu'en réalité cette idée même nous terrifie »avait-il coutume de répondre à ceux qui lui demandaient pourquoi il ne prenait jamais l'avion, lui qui aimait tant voler.

« Voler » avait d'ailleurs été son premier mot, enfant. Peu après était arrivé « oiseau » ainsi que tout le vocabulaire aviaire, au grand désarroi de ses parents, désarmés face à cette passion aussi dévorante qu'inhabituelle pour un être aussi petit. « Bah, ça lui passera » disaient-ils. Mais ça ne passa pas, au contraire cela ne faisait qu'empirer. Alors ils prirent le parti de laisser courir, spectateurs inquiets de l'obstination filiale. Dès qu'il avait su marcher, intrépide et encore malhabile, il passait son temps dehors à chercher sans répit de nouveaux endroits, plus hauts, pour se rapprocher le plus possible du ciel, pour apprendre des oiseaux comment voler.

Que de frayeurs alors pour ses parents ! Combien de fois son père avait dû escalader quelque amas rocheux, grimper après quelque arbre branchu afin de secourir sa progéniture hurlant à la mort lorsque celle-ci, ayant compris qu'elle ne volerait pas aujourd'hui, avait tenté de recouvrer la terre ferme sans y parvenir ! Combien de fois, après ces échecs cuisants, l'enfant avait alors fui dans sa chambre, domaine interdit aux non-initiés tapissé de posters de ciel dans tous ses états, d'oiseaux majestueux, où il nichait le soir durant, refusant de descendre de son lit-mezzanine !

Son désir de voler grandissait proportionnellement avec son âge. Cela lui valais les moqueries et le rejet de la part des autres petit garçons, et l'affection teintée de pitié de la part des petites filles. Dès qu'il avait eu l'âge, il avait supplié ses parents de lui offrir des promenades en montgolfière. Très vite, cela devint insuffisant : il n'avait pas le droit de diriger le ballon et ne pouvait donc pas décider de sa destination. Il harcela donc ses parents pour qu'ils l'inscrivent à des cours de parapente. Pendant un temps, cela lui suffit. Mais un jour il se rendit compte que cela ne lui procurait plus autant de plaisir. Il dépensa alors des sommes astronomiques pour tenter de se rapprocher du ciel. Il prenait des risques inconsidérés pour se rapprocher de la sensation de vol : plongeons d'une vingtaine de mètres avant de percuter une mer glacée pour imiter les pélicans en chasse, descentes en rappel vertigineuses pour se sentir tel un aigle quittant son nid, sauts en parachute pour devenir un faucon pèlerin en chasse... Tout y passait, rien n'y faisait, rien n'étais suffisant et toujours sa fascination devenait plus forte.

Ses parents, de désemparés étaient devenus spectateurs horrifiés de la fascination de leur fils, qu'il qualifiaient de morbide. Ils avaient cherché de l'aide autour d'eux mais personne ne comprenait et cela n'avait fait que les éloigner de leur enfant. Celui-ci, quittant le domaine familial avait acheté un petit chalet niché entre deux branches maîtresses d'un immense chêne. Le chalet, grotesque parodie d'une cabane de petit garçon, n'était accessible que par un réseau complexes de ponts de cordes, sibylline toile tissée autour de la maison. Un oiseau cache son nid : il avait donc arraché l'échelle d'accès principal et préférait faire maints tours et détours pour rentrer chez lui.

Les soirs de grand vent, il avait pris l'habitude de grimper, nu, aux plus hautes branches de l'arbre, presque aux frondaisons. Là, les yeux clos et les bras écartés, il devenait un moineau luttant contre le vent pour retrouver son nid, un colibri ivre de vitesse et de pollen ou encore un albatros traversant des mers déchaînées... Mais toujours, il pouvait voler. Un soir, une bourrasque plus forte le fit vaciller. Souriant il reprit son équilibre et se replongeait dans sa rêverie alors qu'une rafale encore plus forte le précipita dans le vide. La seule pensée qui traversa son esprit fut « Enfin... Je vole ! » avant que son corps ne heurte violemment une branche dans sa chute. Pantin désarticulé s'écrasant de branches en branches avant d’atterrir au sol, il avait poussé son dernier soupir bien avant le choc final. Sur son visage défiguré flottait un petit sourire...
"Les rêves en sucre deviennent réalité" Silven

L'usine de rêves en sucres a varié sa production. On y trouve aussi des paillettes qui font briller la vie.

Pour apprendre à guérir, tu dois apprendre a tuer.
Dernière édition: 13 Fév 2014 21:31 par Amaesis.
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Cet utilisateur a été remercié pour son message par: Ysyhteha, loreole
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