[HRP : Salut, salut.
Je n'invite personne de façon explicite à venir participer à ce RP, cependant, j'y inclus pas mal de présents que je laisse anonymes et qui ne sont autres que les autres clients de l'auberge. Aussi, libre à vous de vous greffer au RP si cela vous dit, d'autant qu'Albion reste à la fin seul au comptoir et qu'une oreille indiscrète aurait pu entendre la conversation.
Merci,
LJD Neuville. /HRP]
Ces derniers temps, il était devenu courant de voir Albion errer tragiquement en les rues de Rive-Feuille.
Parfois on pouvait le voir durant de longues heures assis face à la prestigieuse bibliothèque des archives. Sans jamais ne dire mot, sans même ne lire aucun ouvrage, simplement assis, muet et stoïque... semblant contempler la tranche des livres soigneusement rangés.
Quand il n'y était pas, on pouvait le trouver à coup sûr derrière l'auberge du "Poney qui saute", près de l'étang, une canne à pêche à la main, fixant froidement son bouchon qui flottait entre les algues. Il n'attrapait que peu de poissons mais il pêchait tout de même. Était-ce, dans le fond, vraiment pour pêcher ou juste pour s'occuper ?
Telles étaient ses activités quand Albion ne quittait pas le village... et il n' l'avait pas quitté depuis bien longtemps !
Pour être précis, cela faisait exactement soixante-deux jours qu'Albion n'avait plus franchi les portes de Rive-Feuille... Sinon brièvement, à l'occasion de petites promenades. Mais jamais plus depuis soixante-deux jours, il ne s'était assez éloigné de Rive-Feuille au point de ne plus en voir les fortifications.
Un soir qu'il rentrait à l'auberge pour y aller dormir, on le héla dans la salle à manger. Albion n'entendit d'abord pas, mais au troisième appel, il s’arrêta et regarda attentivement tous les visages qui étaient présents en la salle. C'est alors qu'il aperçu, dans le coin près de la grande porte, un homme, qui lui faisait signe de la main. Albion qui n'avait jamais été un être trop social fut extrêmement étonné de ce comportement. En effet, rares étaient à Rive-Feuille ceux qu'Albion était un jour allé saluer, mis à part bien sur concernant son office de bûcheron. Si on le connaissait, c'était tout simplement parce qu'il n'y avait que peu d'habitants et que de fait, tout le monde connaissait tout le monde.
L'air peu enjoué et traînant les pieds, Albion rejoint l'anonyme qui l'avait appelé et s'assit péniblement à sa table.
"Bonjour Albion." Dit alors l'homme de l'angle.
Albion se contenta d'un hochement nonchalant de la tête en signe de salut, puis s'enfonça dans sa chaise.
L'inconnu sembla ne pas lui en tenir rigueur et poursuivit.
"Cela fait un bout de temps que tu..." Au "tu", Albion laissa échapper un grognement animal au son très grave, coupant la parole à l'inconnu qui aussitôt se reprit. "Cela fait un moment que vous,insista-t-il cette fois, n'avez plus quitté le village, n'est-ce pas ?"
Là encore, Albion ne répondit d'aucun mot, il ne fit que remuer la tête.
- Hum et quant est-il alors de vos stères de bois ?
- Mes stères ? répéta immédiatement Albion l'air mécontent. Et bien voyez-vous, elles vont finir par pourrir, ... Mes stères.
- Pourquoi ne les avez-vous pas vendu dans ce cas ?
- C'est que vous êtes un malin vous ! J'ai vendu ce que j'ai pu... mais voyez-vous, les clients ne courent pas les rues par chez nous... Dois-je vous rappeler que nous sommes le deuxième jour de la deuxième décade de la Lune Rouge ?
- Je suis parfaitement conscient du calendrier ! Reprit l'inconnu sur un ton hautain. Haussant les sourcils comme pour exprimer son mépris face à cette réponse, Albion continua.
- Vous n'êtes pas d'ici vous ! Hein ? Cela se voit... Encore un de ces citadins... Dites-moi, monsieur... ?
- Monsieur Hicks.
- Dites-moi monsieur Hicks, que savez-vous de la vie des provinciaux ? Surement que trop peu de choses pour comprendre mon désarroi ! conclut Albion la voix énergique.
- Que voulez-vous dire ?
Albion se leva soudainement, le visage agacé, et se dirigea vers le comptoir sur lequel il s'appuya, y posant son coude droit. Hicks qui n'avait pas eu sa réponse se dit qu'il avait du mal agir. Après avoir hésité à rejoindre Albion, il resta à sa place et plongea dans son bol de soupe.
- Alors ! Est-ce trop loin pour vous le comptoir, Monsieur Hicks ? Lança cyniquement Albion à travers la salle. Le brouhaha constant du lieu se tarit soudain, comme quand on dit quelque chose en plein milieu d'un silence général.
Mal à l'aise, Hicks se leva, non sans avoir avant sifflé son bol de soupe... - Oui sifflé, vous savez quand on boit un fond de bol et que ça fait "Chhuiippp" - ... et rejoint Albion qui reprit, de même que le brouhaha dû aux discussions des autres présents.
- Bah oui... Il n'y a qu'un homme à la tête bien creuse pour s’asseoir à cette table... Franchement ! Juste à côté de la porte, prenant le souffle glacial de l'extérieur dès que quelqu'un entre ou sort... Et en plus les chaises sont les moins confortables de toute la salle ! M'enfin... Z'avez pas l'air très futé !
Hicks eut l'air indigné à ces propos mais sans doute trop curieux, il s'assit sur son orgueil, une des premières choses censée qu'il fit, et relança Albion.
- Alors, vos stères ?
- Moui, c'est vrai... Donc comme je vous le disais, cela fait bien longtemps que je n'écoule que peu de bois.
- Pourquoi cela ?
- J'ai profité de la saison du bois mort pour allé ramasser et couper beaucoup de bois en prévision de l'hiver. Dès que la saison de la nuit débordante est arrivée, les habitants sont venu m'acheter du bois. Mais comme vous le voyez, ici nous ne sommes que peu, aussi tout le monde fut vite servi et en quantité suffisante pour ne plus avoir à en racheter avant un moment. Mais cela n'était pas un problème, j'étais heureux de mettre les gens à l'abri du froid ! Et puis pendant la saison de la nuit débordante, les ouvriers oeuvrent encore à des grands chantiers vous savez. Aussi, je vendais toujours du bois, moins mais tout de même, j'en vendais encore.
- Mmm. acquiesça Hicks.
- Mais voilà, avec l'arrivée de la saison de la Lune Rouge, la plupart des chantiers en province sont au point mort. En effet, si par chez vous, en ville, la garde est assez nombreuse pour encadrer les ouvriers, ici ce n'est pas le cas. Je ne vous apprends rien en vous disant que jamais l'extérieur n'est aussi dangereux que pendant la saison de la Lune Rouge... Ces bannis sont beaucoup plus nombreux et féroces qu'en d'autres saisons ! Et les nuits sont si longues que Cycléïs Diurne ne brille pas assez longtemps pour nous permettre de rallier la ville la plus proche sans avoir à terminer le voyage de nuit. Aussi, nous ne sortons plus, ou si peu... C'est trop dangereux... C'est pour ça que je ne suis plus sorti depuis près de soixante jours !
- Et de ce fait, les chantiers n'avancent plus, donc la demande en bois a chuté, c'est cela ? comprit rapidement l'homme il y a peu encore inconnu à Albion.
- Ah ! Là je vois que dès que l'on parle économie vous êtes plus à l'aise que quand je vous parle d'aller couper du bois... Monsieur Hicks ! Répondit Albion sur un ton taquin. C'est tout à fait ça, et mon bois pourri pendant ce temps... La seule solution pour que je puisse écouler mon stock avant qu'il ne soit perdu, c'est que je rejoigne une ville ! Mais comme je vous l'ai dit, par cette saison c'est beaucoup trop risqué et je n'ai pas les moyens de me payer une escorte... Quant aux caravanes commerciales, elles ne viennent plus jusqu'à nous pendant cette saison... Pour vous, ce ne doit pas être compliqué, je vous imagine avec une situation confortable, tant d'ailleurs que vous devez avoir les laisser passer de ces portails dont les Nobles gardent le fonctionnement secret...
- Il est vrai oui, c'est d'ailleurs comme cela que je suis venu...
- Mais pourquoi êtes-vous venu à moi au juste ? Reprit immédiatement Albion.
- Votre bois, votre bois ! L'Empire connait une pénurie de bois messire... Cette année est pire que les précédentes, trop de bûcherons ont périt de la Grande Malédiction. Cela a eu deux conséquences catastrophiques. La première : Les bûcherons les plus braves ont du encore allé en pleine forêt pour parer à cette pénurie et ce malgré la saison de la Nuit Débordante, ce qui a alourdit le bilan des disparus... La seconde : Les gens maudissent désormais cette profession, ils la jugent trop dangereuse et orientent leurs enfants sur d'autres voies, creusant ici encore plus le manque de bûcheron dont nous souffrons... Ecoutez, je vais rentrer en la capitale. Je vais voir si il m'est possible de mobiliser une petite troupe, à mes frais bien entendu, afin de vous escorter, vous et votre bois. Nous avons besoin de bois et vous avez besoin de l'écouler avant qu'il ne se perde. Il me semble que ce serait là un arrangement judicieux !
- Qui êtes-vous pour vous intéressé tant à la stabilité du marché ?
- Peu importe ! J'y ai mes intérêts.
- Qui vivra, verra. répondit Albion avant de commander une choppe.
Puis Hicks s'en retourna et quitta l'auberge.