Du servage à la rébellion
C'était bien avant d’atterrir dans les tavernes chaleureuses des camps rebelles; bien avant de rentrer de mission couvert de poussière, exténué et à bout de forces. Bien avant cette époque belliqueuse… Avant je vivais plus ou moins heureux.
J'avais à ma charge quelques lopins de terre appartenant à l'empereur. Une petite ferme de pierre au toit pentu; les tuiles étaient fissurées mais tenaient bon lors des tempêtes; j'y logeais avec ma femme. Une femme que j'aimais plus que tout. Mes moutons et mes champs me permettaient à peine de payer mes impôts seigneuriaux; mais, même si la vie était dure, on s'en sortait. On vivait ensemble, heureux.
Toute la campagne avoisinante était couverte de champs, les fermes n’étaient pas nombreuses et les murailles non loin de chez nous. Si une horde était signalée, un cavalier venait nous prévenir et on courait tous vers l’intérieur de la ville. Une habitude prise depuis de nombreuses années.
En cette belle matinée de décade des prés fumants, Cycléis illuminait la campagne de ses rayons. Depuis quelques semaines, tout allait bien : plus aucune horde, aucun banni, les champs fleurissaient… Et quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’un matin au réveil, je vis le ventre de ma femme arrondi. Elle me souriait. Naranaé nous avait offert une vie, un enfant à voir naître.
Le travail de la terre ne m’était plus pénible, mes mains durcies sur le bois de ma faux ne souffraient plus. Mes champs n’avaient jamais été aussi fleurissants que cette année. La récolte allait être bonne. Toute cette volonté retrouvée. Moi qui n’avais pas de beaux souvenirs de mes parents, je voulais à tout prix offrir une enfance heureuse à cet enfant, un semblant d’innocence.