Chapitre II
Un nouveau départ
Amdalgorn se leva d’excellente humeur ce matin là, la veille il avait terminé la toiture de sa maison, il pouvait enfin se considérer chez lui.
La décoration extérieure avait été façonnée avec une extrême délicatesse, les haies avaient poussé et étaient taillées minutieusement, les meubles étaient disposés dans les deux pièces que comptait la maison de façon très pratique. Il ne restait plus qu’une chose, un seul petit détail qui avait pourtant toute son importance.
Il prit quelques planches qui lui restaient, les assembla pour former une plaque. Il lui ajouta perpendiculairement un pieu dont il prit soin de bien affuter l’extrémité. Puis il sculpta avec art et doigté cette plaque afin de la rendre la plus gaie possible et y gravit en belles lettres « Demeure d’Amdalgorn ». Il prit le dernier sac d’encre qui lui restait et fit couler le liquide noirâtre et visqueux dans la gravure afin que les lettres deviennent sombres. Il déposa son écriteau au soleil et descendit au sous-sol.
Tout le financement de sa maison, Amdalgorn l’avait effectué en revendant la canne à sucre qu’il produisait maintenant depuis plusieurs semaines. Mais il voulait se diversifier et produire quelque chose qui se vendait beaucoup plus régulièrement.
Il s’équipa d’un bâton et d’un peu de viande qu’il avait fait sécher dans son sous-sol, puis remonta dans la pièce principale. Il passa la porte d’entrée, prit soin de bien la refermer et se dirigea vers les portes de la cité.
Cycléis commençait à monter très haut dans le ciel, il leva les yeux lorsqu’il passa sous la somptueuse muraille et comme pour savourer ce moment, les ferma durant les quelques instants où la fraiche ombre de ce mur protecteur lui caressa tendrement le visage, comme pour l’encourager dans cette dure journée sous le cagnard de l’astre qu’il allait passer, puis il partit.
Amdalgorn marchait depuis des heures, il était à la recherche de quelque chose de bien spécial, qui ne pousse que très rarement à l’état sauvage. C’était la citrouille ! Haut-Chêne réunissait toutes les conditions pour en faire la culture, mais Amdalgorn manquait d’une chose la plus importante qu’il soit pour démarrer la production, les graines.
Etant le seul agriculteur de la cité et le seul producteur de canne à sucre de tout l’empire, il souhaitait continuer dans ce sens en produisant une autre ressource profitable aux impériaux qui n’était pas encore à leur portée.
Mais être le premier à produire incluait également être le premier à dénicher la ressource et à la ramener, d’où cette expédition. Hélas, aucune cucurbitacée ne pointait le bout de sa tige et Amdalgorn commençait sérieusement à avoir faim. Il décida donc de se poser quelques instants pour faire taire son ventre devenu bavard.
Assit là sur son rocher, Amdalgorn dévorait son morceau de viande séchée lorsqu’il entendit un petit aboiement derrière lui. Il se retourna et que ne fut pas sa surprise en découvrant derrière lui un loup ! Prit de panique, il tomba de son rocher tout en imaginant que le loup aller profiter de son déséquilibre pour lui sauter à la gorge. Il ferma les yeux et serra les poings, se préparant à la terrible morsure que le loup aller lui assener.
Une seconde se passa, puis cinq, puis dix… Toujours rien… Amdalgorn se risqua donc à ouvrir un œil, et il aperçut le loup, assit sur son postérieur, la langue pendante et la tête penchée sur le côté.
Amdalgorn se redressa, et examina le loup. Il n’avait pas l’air agressif. Il tendit au canidé le morceau de viande et le loup se recula un peu, méfiant. « Tiens mon bonhomme, je ne vais pas te manger tu sais… ». Amdalgorn jeta la viande devant les pattes du loup qui la regarda, la renifla, puis la croqua à pleines dents. « Ah c’est bon hein mon toutou ! Tiens regarde j’en ai un autre pour toi. ». Amdalgorn sortit un deuxième morceau et le tendit au loup. Celui-ci se rapprocha, doucement et avec hésitation, puis il attrapa délicatement le morceau de viande de la main d’Amdalgorn et l’engloutit tout aussi vite que le premier.
Repu, il s’assit tout contre Amdalgorn et poussa un énorme soupir. « Et ben mon bonhomme, tu avais l’air d’avoir faim toi ! J’ai connu ça tu sais pendant un temps. ». Il câlina le loup le temps qu’ils digèrent tous les deux, puis se releva et repartit en quête de ses citrouilles, suivit par le loup qui ne se décollait plus de lui.
La journée touchait à sa fin lorsqu’Amdalgorn, toujours accompagné du loup, s’emmêla les pieds dans quelque chose et trébucha lourdement. Il regarda ce qui entravait son pied et écarquilla les yeux quand il vit que c’était une tige de citrouille. Il y avait peut être au bout le légume tant convoité ! Il remonta la tige et tomba sur une, puis deux, puis encore une citrouille, puis encore une autre. Sa quête était bientôt accomplie ! Il sortit son bâton et réduit en bouillit les citrouilles. Au milieu de la mélasse, les graines de citrouille d’un jaune aussi beau que celui de l’or apparurent. Il s’en saisit et retourna à Haut-Chêne, le loup sautillant toujours autour de lui. « Oui je t’emmène mon beau ! Tu as été le compagnon de ma journée et je me suis attaché à toi. ».
Au retour d’Amdalgorn, l’encre sur l’écriteau avait séché. Figée, elle ne pouvait plus causer de dégoulinures qui auraient gâché tout le travail. Il fixa le panneau devant l’entrée de sa maison puis entra avec son loup. « Restes ici, j’en ai pas pour longtemps. ». Il s’équipa de sa binette et prit la direction des champs.
Sur place, il coupa un peu de canne à sucre pour faire de la place, bina la terre et creusa un petit sillon bien droit. Il posa une à une les graines de citrouille à l’intérieur puis reboucha le sillon. L’eau aux pieds des cannes à sucre irriguait déjà la terre où les graines étaient plantées. Il était là, dans ses champs correctement clôturés et délimités, occupé à regarder le sol s’humidifier lorsqu’il reçut un terrible coup d’épée sous le bras gauche, puis un second à l’épaule droite. Il n’eu pas le temps de voir son agresseur et s’évanouit, tombant sur les graines qu’il venait de semer.
De longues heures passèrent, Amdalgorn se réveilla au bout milieu de la nuit. Il poussa un hurlement sinistre causé aussi bien par la douleur physique que morale. Des attaques, il en avait déjà subit, de nombreuses blessures lui avaient déjà été infligées, ses champs avaient été à mainte reprise détruits et il les avait replanté régulièrement sans jamais se plaindre ni dire quoi que se soit ou réclamer de dédommagement. Mais là, cette attaque sournoise était de trop. La perfidie de son agresseur lui brûlait le corps de l’intérieur.
Comment un être aussi lâche pouvait-il agresser un paysan, suant corps et âme pour travailler la terre, ne possédant pas d’arme pour riposter. Comment un scélérat aussi déloyal pouvait s’abaissait à transpercer de dos le corps d’un agriculteur appuyé sur sa clôture, éreinté par sa journée de dur labeur, soufflant là un moment pour ne plus penser à la fatigue. Quel intérêt d’infliger de telles blessures à une personne n’ayant rien sur elle, ne causant aucun tord à qui que se soit.
Amdalgorn n’avait aucune réponse, cet acte de violence gratuite était plus que déraisonnable. Seul un monstre, un être sans cervelle, dépourvu de toute réflexion et de toute intelligence, sans âme ni conscience pouvait avoir perpétré cette ignominie. Mais la froideur de la lame prouvait bien que c’était un homme, si on peut appeler cela un homme, qui avait agit dans le plus grand déshonneur. Honte à lui ! Honte à sa famille ! Honte sur les dix prochaines générations qu’il engendrera ! Qu’ils se souviennent que leur aïeul n’était qu’un traitre déloyal et lâche qui attaquait de dos les paysans au lieu d’affronter la garde de face !
La colère d’Amdalgorn était trop grande, il était écœuré, dégouté d’en être là, mais il n’avait pas le choix. Il se releva, péniblement, tituba jusqu’à chez lui, se posant de temps à autre contre un mur pour souffler quelques instants et laissant des tâches rouges vives. Il pansa ses blessures, son loup le regardait d’un air triste, compatissant à sa douleur. Les animaux, à bien des égards, possèdent en eux une âme plus pure que celle des hommes.
Amdalgorn monta à l’étage, s’écroula sur son lit et s’endormit. Son loup, fidèle ami, le rejoignit à l’étage, se coucha à côté du lit, glissa sa tête sous la main pendante d’Amdalgorn et patienta jusqu’au réveil de son compagnon.
La nuit passa, puis la journée, puis encore une nuit, et encore une journée, puis la nuit suivante.
C’est à l’aube de la troisième journée qu’Amdalgorn se réveilla, son ami canidé toujours à côté de lui. Il sourit, glissant sa main dans le poil touffu et chaud du loup. Il réfléchit quelques instants, puis se leva d’un bon malgré la douleur encore vive qu’il ressentait au niveau de ses deux blessures. Il prépara deux grosses portions de viande qu’il disposa dans deux plats. Il en déposa un sur sa table et l’autre à terre pour son ami. Ils mangèrent leur collation, calmement, sans un bruit. Une fois les deux plats vident, ils se regardèrent et Amdalgorn vit dans les yeux du loup qu’il comprenait ce qu’il se passait et qu’il lui disait en quelque sorte « Allez, allons y… ».
Amdalgorn mit dans un baluchon le restant de provisions qu’il y avait encore au sous sol. Il ne prit rien d’autre. Il sortit par la porte de derrière admirer une dernière fois la baie de Haut-Chêne puis rentra. Il fit le tour des pièces, profitant de ces derniers moments dans sa demeure terminée. Il sortit, ferma la porte, embrassa l’écriteau qu’il avait conçut avec tant d’amour puis parti sans se retourner.
La cité était endormie, Amdalgorn arpenta discrètement les rues jusqu’à la grande porte sans se faire remarquer. Il regarda une dernière fois la haute muraille de Haut-Chêne et tourna les talons.
Cycléis se levait sur Akatéa, baignant la cité de sa lumière divine. Les habitants se réveillaient, tranquillement, sans être conscient du drame qui s’était déroulé à l’aube. L’un des leurs ne l’était plus.
Au loin, dans l’astre brûlant sortant timidement de son horizon, l’on apercevait deux silhouettes. C’était celle d’un homme, un petit baluchon à l’épaule, accompagné de la plus pure des âmes, celle d’un animal au cœur de diamant, un loup qui représentait toute la richesse de l’amitié et de la loyauté.
A toi de voir, à savoir que je rajouterai dans ce sujet des chapitres en fonction des aventures que je déciderai de faire vivre à mon personnage donc si effectivement les mémoires d'Amdalgorn sont pour vous sa biographie pourquoi pas !) 
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