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Razade007
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Chapitre 1 : Une nouvelle vie
Anolis Losde
Aîné d’une famille plus que pauvre l’enfant vivait dans la misère de la capitale impériale, dans ce froid qui vous glace jusqu’au sang, jusqu’à l’âme. Le cœur des habitants était aussi froid que les pierres de la cité, ces mêmes badauds qui chaque matin passaient devant lui sans lui prêter la moindre attention, sans montrer la moindre empathie. Anolis en était réduit à se dire qu’il avait de la chance qu’ils n’éprouvent pas de haine, seulement du dégoût. Mais qu’avait-il de plus que lui ? De quel droit était-il supérieur ? Il faisait tout pour s’en sortir il méritait le respect, c’était tout du moins ce qu’il se répétait mais qu’il n’avait jamais eu le cran de partager, finalement, c’était un couard. Il était contraint de se réfugier au coin des braseros pour récolter le peu de chaleur encore existante dans cette cité. En tant qu’aîné il devait protéger le reste de sa famille des dangers de la capitale, c’était tout du moins ce que lui radotait sa mère. Il n’était pas fort, il pouvait à peine se protéger lui-même, comment pouvait-il protéger les autres ? La malnutrition pouvait se lire sur les traits tirés de son visage et ses jambes dont on peinait à discerner la peau des os sous ses haillons de fin tissu. On se demandait comment le froid n’avait pas encore pu l’emporter sur ce faible corps. La seule maigre qualité dont pouvait être pourvu l’enfant était la ruse, il était pour le moment parvenu à se sortir de bien des situations.
Au cours de sa vingtième année son père disparu, ou plutôt n’assuma d’avoir engrossé sa femme une fois de plus. Il devait maintenant avoir les épaules assez larges pour assumer toutes les responsabilités qui lui incombent, mais en avait-il l’envie, il était jeune peut-être que s’il partait de cette ville si froide il pourrait vivre. Cette idée fût vite chassée par la vue de sa petite sœur grelotante et affamée. Il la prit dans ses bras et s’endormirent paisiblement au coin du feu.
Il se réveilla sa sœur toujours blottie contre lui, la famille était protégée de la neige par un rebord de toit emprunté à la maison d’un marchand, mais le reste de la ville était comme à son habitude engloutie par ce blanc manteau. Les fins flocons continuaient à déferler en cascade sur la ville comme engourdie par le froid, on ne pouvait apercevoir les gens dehors.
Mais il était temps pour Anolis d’effectuer la besogne habituelle, mendier et voler. Il se mit alors en route confiant sa sœur à ses petits frères. A chaque pas il s’enfonçait dans la neige laissant de larges empreintes derrière lui pendant qu’il cherchait une victime il prit le temps de réfléchir à ce qu’il allait advenir de sa vie maintenant que son père était parti, il n’éprouvait pas à son égard de la haine mais Anolis avait développé un étrange sentiment de compréhension, la passivité dont il faisait preuve était effrayante, il restait stoïque face à la disparition de l’homme qui l’avait élevé, peut-être ne l’avait-il jamais aimé finalement. Il avait pourtant été bien traité et cet homme avait jusqu’à ce jour tout fait pour subvenir à leurs besoins, c’est peut-être pour cette raison qu’il ne lui en voulait pas. Ces pensées s’effaçaient comme ces empreintes recouvertes par la nouvelle neige, il venait de trouver un homme. Ils étaient seuls dans une petite ruelle, Anolis fut étonné de trouver un homme si bien habillé dans cette ruelle. C’est habituellement le genre d’endroit où il ne fait pas bon traîner seul ou accompagné. L’homme portait un riche manteau de fourrure blanc, sous lequel devait se dissimuler une belle bourse, Anolis avait en quelques secondes étudié la situation il savait d’expérience par où il devait passer pour atteindre l’endroit probable où était caché l’or. Il emprunterait la technique habituelle, lui rentrerait dedans et ferait semblant de s’excuser, en général les badauds ne prêtaient guère attention à sa maladresse comme au reste de sa personne et continuait leurs routes. Mais certains n’étaient pas comme ça et ont laissé un corps balafré et meurtri de coups. Les deux hommes se rapprochaient à grande vitesse, les pas s’enfonçant toujours dans la neige rendaient la marche difficile et on pouvait apercevoir les longs cheveux d’Anolis lui cacher une partie du visage.
Le torse de la victime entra en contact avec son épaule, il était bien moins imposant que la riche victime, ni une ni deux sa main se glissa sous le manteau à la recherche de la bourse quand d’un coup il ressentit un contact froid. Quelque chose venait d’agripper sa main il était pris au piège et ne pouvait plus bouger, immobiliser par ce contact glacial et par la peur, au bout de quelques instants Anolis releva les yeux et rencontra le regard désapprobateur de l’homme, Anolis se reconnut dans ce regard si passif, passif mais pas indifférent, sans haine mais sans empathie quelconque. L’homme prit alors la parole :
« Tu es douée, si je n’avais pas été habitué et plus habile que toi je me serais laissé berner. Malheureusement je pense que tu ne réalises pas qui tu viens d’essayer de voler, tu aurais pu choisir une meilleure cible qu’un officier de l’armée » dit-il en ricanant.
Anolis était envahi par la peur et le doute, étrangement ces premières pensées ne se tournèrent pas vers sa sœur ou sa famille comme il l’aurait imaginé mais vers lui-même, qu’allait-il advenir de lui ? Allait-il mourir ? L’avenir de sa famille ne lui avait toujours pas effleuré l’esprit lorsque l’officier reprit la parole :
« Alors tu n’as rien à dire ? Comme tu t’en doutes bien je ne peux pas laisser passer ça même si tu voles pour te nourrir toi ou quelqu’un d’autre. Tu vas devoir m’accompagner, je déciderais de ton sort une fois à la caserne. »
Anolis n’avait toujours rien dit, il gardait le silence, c’est ce qu’il y avait de mieux à faire pensait-il mais sa main se débattait toujours dans la poigne de fer, cette poigne si glaciale et rude qui retirait tout l’espoir du voleur. Il avait été traîné jusqu’à la caserne toujours sans avoir dit un mot, une fois arrivé il fût installé dans une prison le temps que l’officier et ses supérieurs statuent sur son cas, les murs suintant d’humidité, les grossiers barreaux de fer, le froid, Anolis ne voulait pas vivre cela chaque jour de sa misérable existence, au moins avant elle était misérable mais il était libre. C’est tout ce qu’il avait ça ne pouvait pas lui être retiré, il se répétait cela comme s’il allait influencer son jugement, il en était même venu pour la première fois de son existence à prier Cycléis. Il était acculé, désespéré, désespérément pitoyable …
L’officier réapparut avec un sourire qu’il n’avait pas perdu depuis son arrestation, il prit alors la parole : « J’ai une offre à te faire, tu as deux choix mais je pense que tu feras très rapidement le bon, tu peux rester croupir en cellule quelques années pour cette tentative de vol et sans doute tous les vols qui l’ont précédé ou bien tu peux rejoindre l’armée impériale, commencer une nouvelle vie, et combattre la racaille amranéenne. Les nouvelles recrues se font rare, mais bien sûr c’est un choix je ne te force absolument pas la main. » répliqua-t-il d’un rire gênant.
Anolis n’en avait que faire des amranéens, de la guerre ou même des autres impériaux, ce qui l’intéressait c’était sa vie, sa misérable et pathétique petite existence, il n’avait pas le choix s’il voulait continuer à vivre il devait prendre l’échappatoire qui lui était offert. Il prononça alors les premiers mots depuis le début de son arrestation :
« Bien, j’accepte de rejoindre l’armée. » Dit-il d’un air dépité, il venait d’abandonner sa famille et toute la vie qu’il avait connu pour s’en sortir. Sa nouvelle vie commença par le cliquetis de la clé dans la serrure, et par une tape amicale dans le dos par l’officier. Ce n’était peut-être pas si mal finalement.
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