Serveur Full-RP Francophone

Le garde rajusta nerveusement son plastron.
Il n'avait jamais aimé ce moment de la journée, entre chien et loup, qui précède l'obscurité totale. Aversion d'autant plus justifiée par la chute de température qu'il ressentait cruellement du haut de sa tour d'observation, juste au dessus du portail de la ville.

Un frisson le parcourut, faisant grincer les lanières de cuir maintenant les pièces de son armure.
Il savait que les bannis n'allaient pas tarder à rôder au pied de la muraille, comme chaque soir depuis qu'il était soldat. Malgré son expérience, il savait qu'il ne s'habituerait jamais aux bruissements, aux gémissements ou aux sifflements de ces maudits.
Un sourire fendit alors son visage, au moment où il pensa que c'était cette peur viscérale qui le maintenait vigilant, et qu'il allait devoir vivre avec chaque jour que Cycléis lui donnait.
Ce sourire s'effaça soudainement au profit du masque du soldat...

Une silhouette sortait du bois pour déboucher sur la route impériale.
- Banni sur la route ! Hurla t-il pour donner l'alerte.
- Je l'ai en joue ! Cria un archer à quelques pas de lui.
La forme continuait à s'avancer, d'une démarche incertaine caractéristique des bannis. Mais quelque-chose clochait, quelque-chose qui retint le bras des archers et qui fit s'établir un silence sur la muraille. Sur le poitrail de la silhouette brillait le symbole doré de Cycléis.
- Nom d'un zombie cul-de-jatte, mais c'est un soldat ! C'est un des notre ! Que personne ne tire ! Qu'on ouvre la herse ! Il faut aller le chercher ! Hurla le garde en dévalant les escaliers.

Un escadron de quelques soldats se forma rapidement sous le commandement d'un officier et la troupe quitta la protection de l'enceinte au pas de course.
Le temps pressait car la Grande Malédiction allait frapper dans les instants à venir.
A quelques pas de l'homme, la troupe fit halte sous l'impulsion du gradé. Décidément, quelque-chose n'allait pas...
- Qui va là ? Appela le gradé.
Mais aucune réponse ne sortit de la bouche de l'homme. Sa démarche était grotesque. Ses membres étaient complètement déformés et empêchaient le bougre de se déplacer correctement.
Mais ce qui installa l'effroi dans le cœur de tous les gardes, ce fut son visage.
Ce dernier avait une teinte verdâtre. La peau pendait lamentablement, déformant la bouche, les joues et les yeux du malheureux. Un liquide visqueux s'écoulait d'une oreille et une odeur de putréfaction devenait insupportable.

Ce n'était pas un zombie car son état de décomposition n'était pas assez prononcé... et parce que les zombies ne portaient pas une armure magnifique frappée du symbole de Cycléis.
- Par Nodens ! Qu'est ce que cette abomination ? murmura l'officier. Ne le tuez pas ! Je ne sais pas ce que c'est, mais il faut montrer cela au Grand Intendant... reprit-il avec plus de force dans la voix.
Deux gardes attrapèrent alors la créature dans le but d'entraver ses mouvements, mais il s'avéra qu'elle avait plus besoin d'être soutenue, étant au bord de l'épuisement.
L'officier s'approcha alors de la chose et lui dit d'une voix mal assurée :
- Qui es tu ? Et que t'es t-il arrivé ?
Mais la chose ne sembla pas comprendre les paroles, se contentant de hocher la tête en signe de négation. Ce qu'il restait de sa main vint se plaquer son restant d'oreille.
- Emmenez le à Haut-Chêne et faites prévenir le Grand Intendant ! Ordonna le gradé, conscient qu'il leur fallait retourner au plus tôt à l’abri.



Les bottes du Grand Intendant résonnaient sur le pavé de Haut-Chêne, révélant son empressement à parvenir à la caserne.
Un officier se tenait à l'extérieur, mal à l'aise en voyant la célérité avec laquelle son roi s'approchait de lui. Il déglutit difficilement en découvrant les traits du monarque comme il ne les avait jamais vu.
Dans un froissement de riches étoffes, ce dernier passa en trombe devant l'officier sans même marquer une pause.
- Monseigneur, laissez moi vous expliquer dans qu... Bafouilla le soldat
- Ce n'est pas la peine, laissez moi le voir. Coupa sèchement Sideara Aminestas.
Arrivés devant la porte d'une cellule, le Grand Intendant s'arrêta enfin. Sans hésiter, il ouvrit la trappe permettant au geôlier de regarder dans la cellule...

- Qu'on mobilise l'armée immédiatement ! Faites sonner l'alerte ! Que chaque homme se tienne prêt à partir ! Tonna le Grand Intendant.
Hazhel, conseiller militaire du Grand Intendant, fit signe à un soldat qui partit alors en courant. Le silence se fit alors, uniquement troublé par les gémissements du prisonnier.
- Mon... Monseigneur. Cet... homme n'a rien voulu nous dire... On dirait qu'il est en train de se transformer en banni. Peut-être pouvons nous l'interroger pour qu'il nous explique ce qu'il se passe ? Osa le conseiller.
- Ce n'est pas la peine, Hazhel... répondit le Grand Intendant, le visage marqué par l'inquiétude. Cet ... homme ne vous entendrait même pas.
Il est sourd.









"A l'attention de Mamoru Kunbe, Empereur de tous les Akatéens,


La Grande Malédiction a frappé là où personne ne l'attendait.


L'armée de Haut-Chêne est prête. Hâtez-vous cher ami.


Sideara Aminestas Ier."



Les yeux de l'Empereur se levèrent du parchemin froissé et rédigé en toute hâte. Il fixait désormais les mains du messager de Sideara Aminestas. Elles tenaient un tabard blanc, frappé du symbole de Cycléis.
Ni les plus proches conseillers de l'Empereur, ni même sa fidèle garde personnelle, ne purent soutenir son regard.

Pour la première fois depuis qu'il avait prêté serment, les yeux de Mamoru Kunbe, Empereur de tous les Akatéens, laissaient apparaître une terreur sans nom.







L'auberge de la botte crottée n'avait jamais fait partie de ces endroits où il faisait bon vivre. Tenu par deux frères ivrognes, plus habitués à consommer qu'à servir, cet établissement n'arrivait pas à marquer la différence entre écurie et salle commune. Désertée par les voyageurs, elle était plus une porcherie où s'ébattait deux verras autour de grandes quantités de boissons.
Cependant, ce soir là, elle allait être le théâtre de la plus improbable rencontre jamais connue, de mémoire d'homme, sur Akatéa.



La soirée était anormalement chaude et un orage semblait inévitable. L'atmosphère, électrique, reflétait la tension des deux hommes assis l'un face à l'autre sur des barrières à l'extérieur de l'auberge.
D'un côté, Hazhel, chef de la garde et conseiller militaire, dont la lourde cape avait du mal à dissimuler une armure allégée pour le voyage, se tenait droit comme une hallebarde. Le regard acéré braqué sur son homologue, la main posée sur le pommeau de son épée, son aura transpirait l'expérience, le sens du devoir et la force brute.
Face à lui, Breizh, dit "le Chacal", adoptait une pause plus négligée et mâchouillait un brin d'herbe. Quelques pièces d'armure de cuir se devinaient sous une cape de voyage et un carquois de flèches à l’empennage noir trônait dans son dos accompagné d'un arc joliment sculpté.
Son regard fixe contredisait cependant sa posture et il semblait prêt à bondir d'un instant à l'autre.
C'est d'ailleurs ce dernier qui prit la parole :

- Avec ton armure, tu vas avoir mal au derrière grand dadais ! Lança-t-il sans le quitter des yeux.

Le silence éloquent que lui renvoya son compagnon le poussa à renchérir :

- Je vois, je sens qu'on va bien rigoler tous les deux. Pourvu que ça ne traîne pas à l'intérieur.



Dans la salle commune de l'auberge entièrement vide, trois hommes étaient installés autour de la table.
L'ambiance calme et sereine, imprimée par des personnes rompues à maîtriser leurs émotions, n'était qu'une façade. Akatéa vivait là une de ses heures les plus sombres.

- Je n'avais pas conscience qu'un tel bouge existait au confins de l'Empire. Dit l'Empereur en passant une main dans sa barbe.
- Ses tenanciers ne poseront pas de problèmes ? Interrogea le Guide Suprême.
- Mon apothicaire m'a assuré que le coma est marqué par une salivation importante. Intima le Grand Intendant.
- Dans ce cas, je doute qu'ils se réveillent un jour... Répondit le Guide Suprême en se tournant vers le deux corps affalés sur le comptoir, un verre à la main, dans une marre de bave.
- Trêve de palabres. Coupa Mamoru Kunbe. L'heure est grave et nous devons prendre des décisions d'importance. Le sort d'Akatéa se joue en ce moment même.
- Comment pourrait-il en être autrement pour que nous soyons ici autour d'une table. Intervint la voix profonde de Pefier Cœur d’Ébène. Je veux avant toute chose savoir de quoi il retourne.

L'Empereur se tourna alors vers Sideara Aminestas et lui intima de faire le récit des derniers évènements.







- Un garde sourd... Hum... Il s'agit donc d'Alistair. N'est ce pas ? intervint le Guide Suprême.
- Comment pouvez vous savoir de qui il s'agit ! coupa le Grand Intendant, soudain nerveux.
- Ne me sous estimez pas Sideara Aminestas, je suis extrêmement bien renseigné et éduqué. L'histoire impériale n'échappe pas à ma connaissance, aussi, je connais Alistair pour la simple raison qu'il est le seul homme à avoir réussi à voler la Pomme Sacrée. Il a également été mis en avant que cet homme possède la capacité d'influer sur quiconque écoute ses paroles...
… mais la suite m'a comment dire, été quelques peu cachée... Sur ces derniers mots, la voix de Pefier se fit plus cassante.
- … et s'en est fort heureux ! Répondit le Grand Intendant, de plus en plus agacé.
- Messieurs, le temps n'est pas au règlements de comptes ! Intervint l'Empereur de sa voix sereine et posée. Alistair a été rattrapé et emprisonné dans un endroit connu de nos seules personnes. Cette prison, gardée par des hommes triés sur le volet et choisi pour leur surdité, n'a jamais été menacée. Cependant, nous avons a présent la preuve de l'influence d'Alistair est telle que les gardes se transforment en bannis.
Nous ne savons pas ce qu'il se passe dans cette prison, mais nous avons deux certitudes :
Alistair n'est plus gardé et Alistair va se libérer d'un instant à l'autre.
L'endroit n'est plus accessible à nos seules forces. Deux escadrons sont partis et ne sont pas revenus.
Nous t'avons donc sollicité Guide des amranéens pour concentrer le meilleur de nos forces dans un seul et unique assaut.
Il ne fait aucun doute qu'Alistair sera bientôt en mesure de nuire à Akatéa de la pire des façons et j'ai bien peur que si nous ne pouvons parvenir à le retrouver, la Pomme Sacrée soit menacée.
- Pourquoi ne pas la protéger Elle ? Intervint le Guide Suprême en se penchant imperceptiblement sur la table. Protégeons la au lieu de s'aventurer dans un endroit si hostile !
- Nous ne pouvons pas te dévoiler sa position, il en est hors de question et tu le sais très bien. Répondit posément l'Empereur.
Le point du Guide Suprême s'abattit sur la table.
- Cessez cette folie ! Cette Pomme représente notre salut et vous vous obstinez à la garder jalousement ! Elle seule peut permettre à Amranaé de repousser ! Nous pouvons regagner la faveur des Dieux grâce à elle !
- Hazhel ! Tout va bien ! Cria instantanément le Grand Intendant.



Dehors, les deux hommes s'étaient déjà empoignés virilement.
Breizh Chacal bloquait l'épée du chef de la garde dans son fourreau et ce dernier maintenait le bras de l'amranéen pour l'empêcher de saisir la dague sur sa cuissarde.
- Hum.. qu'est ce qu'on rigole ! Lâcha le rebelle en proie à un effort violent. Comment va ton postérieur ?
Une poussée du garde lui répondit et ils firent tous deux quelques pas en arrière pour reprendre leur position respectives... sans se quitter des yeux.



- Cette Pomme peut tout aussi bien détruire notre monde. C'est sans aucun doute l'usage que voulait en faire Alistair. Enchaîna calmement l'Empereur. De toute évidence, nos points de vue divergents ne peuvent nous permettre de collaborer à la protection de cet artefact. Il nous faut donc nous attaquer à la prison. Seras tu à nos côtés, Pefier cœur d’Ébène ?
Un silence s'établit alors, permettant d'entendre les ronflements humides des aubergistes.
- Je crois ne pas avoir le choix. La menace est réelle et vous avez besoin de notre savoir faire. Nous travaillerons donc côte à côte. le Guide Suprême se pencha alors un peu plus en avant et son ton se fit plus grave. Mais n'oubliez pas que c'est l'enfant d'un Dieu que nous sommes sûrement en train de combattre et qu'il nous faut comprendre pourquoi il cherche à détruire notre monde. Il est le seul à pouvoir répondre à une question qui nous habite tous ! Qui a ordonné la Grande Malédiction !
Un nouveau silence s'établit.
- Dans trois jours, Cycléis au zénith, devant les portes de Haut-Chêne... Dit enfin l'Empereur en faisant signe de tête à Sideara.



Les trois hommes se relevèrent alors, ankylosés par cette discussion. La chaise de l'Empereur se renversa d'ailleurs, étant prise dans la cape de ce dernier.
« Hazhel ! Tout va bien ! Cria instantanément le Grand Intendant.