Attablé au comptoir de l'Auberge Au Bois Fumant, Rudolf Scalton se délectait d'une bière locale. Moment de réconfort après une dure journée de labeur. Ou de nuit. Il ne savait plus vraiment, dans la mine il perdait le compte du temps qui s'écoulait.
La ville le mettait toujours un peu mal à l'aise, mais il allait s'habituer à la longue, tout comme il s'était habitué à la vie de mineur. Il s'était déjà écoulé 5 ans entre son départ de chez ses parents.
5 ans ... Le temps s'écoulait à la fois lentement et rapidement dans les mines. Il avait l'impression que sa vie d'antan était enterrée et qu'il avait toujours vécu dans les mines.
Malgré sa proximité avec la ville de Haut-Chêne, il n'y avait que rarement mis les pieds. En effet, étant auparavant mineur employé par la compagnie de minage Coeur-de-Roc, il était nourri, logé et blanchi aux frais de la compagnie. Tout ça en échange d'un travail honnête et rémunéré. Si on lui demandait, il aurait plutôt dis en échange d'une servitude volontaire. Le travail était dur et fatiguant, et extrêmement dangereux. Les éboulements de galerie ainsi que l'explosion des poches de gaz avaient condamnés bon nombres de ses collègues. L’inhalation des poussières n'avait pas rallongé l'espérance de vie d'autres mineurs non plus.
La compagnie de minage ayant accumulés bon nombres de difficultés financières et subit les escarmouches des Amranéens, elle dut se séparer de mineurs afin de ne pas mettre la clé sous la porte. Rudolf en fit partie. La compagnie fut dissoute 2 mois plus tard.
"Foutu gachis" maugréa t-il.
Cela faisait maintenant un mois qu'il était à son compte, mineur indépendant revendant ses ressources aux offices de travail locaux. La paye était encore moins bonne qu'avant, mais au moins il avait l'avantage d'être libre. Lors de son arrivée dans la ville de Haut-Chêne, il pris conscience que son apparence de mineur couvert de poussière contrastait avec la populace locale. La plupart des personnes étaient des nobles et des bourgeois, et son apparence poussiéreuse levait les sourcils hautains des nobles qui le croisait.
Cependant, il fut agréablement surpris d'une rencontre. Rentrant des mines pour se rendre à l'auberge, il croisa la route d'une éleveuse. Lui souriant, elle lui avait demandé d'où il venait comme ça couvert de charbon. Rougissant, malgré la couche noirâtre de poussière, il répondit qu'il rentrait de ses mines. Engageant la conversation, ils discutèrent de leurs métier respectifs. Il prit congé et la salua qui lui répondit par l'amicale. Plus tard, l'aubergiste lui expliqua qu'il s'agissait de la Reine. Il en fut abasourdi, et s'empressa de lui présenter ses hommages peu après, en la priant de ne pas le faire fouetter pour ne pas l'avoir reconnue la première fois et l'avoir traitée comme une Dame. Elle rit et le pria de ne pas dire de telles sottises, lui précisant que la noblesse imposait un code de tenue mais qu'elle n'en oubliait pas ses origines hors du palais. En repensant à "l'incident", il en sourit, et songea qu'il était formidable d'avoir une souveraine aussi proche des petites gens comme lui.
Un solide gaillard habillé d'une chemise de bûcheron s'attabla à côté de lui. Il commanda une bière d'un geste à l'aubergiste qui lui en fit glisser une; il semblait être un habitué. Il but d'un trait sa chope tout en lachant un rot monumental.
En voulant prendre une gorgée, Rudolf constata que sa chope était vide. Le moment d'en demander une nouvelle. Lorsqu'il appela l'aubergiste, celui-ci lui demanda d'un air méfiant :
"Z'avez de quoi payer la première déjà ?"
Mettant la main à sa bourse, il constata qu'elle avait disparu ! Le fil qui la retenait avait été tout simplement coupé par un filou à la main agile.
"Et bien euhhm, je crois que ..." tenta de dire Rudolf
"Ca s'ra retenu sur vot'note avec un supplément" le coupa l'aubergiste d'un air mauvais.
Décidément, la vie à Haut-Chêne le dépassait complétemment. S'apprêtant à partir, le bûcheron demanda d'une voix de stentor :
"Aubergiste ! Une autre et sers-en donc une à mon ami !"
Il mit une claque dans le dos de Rudolf, qui lui donna l'impression de se prendre un un rocher de plusieurs tonnes dans le dos. L'aubergiste servit les 2 bières et retourna à son comptoir.
Rudolf surpris par l'initiative de son voisin de comptoir, le remercia :
"Euh, et bien merci messire" dit-il.
Partant d'un rire grave et profond, le bûcheron s'exclama :
"Messire ? Hahaha, elle est bien bonne !"
Une nouvelle claque dans le dos et il repris :
"T'es pas d'ici mon gars ? Ca se voit. Non pas que ce soit un reproche, non pour sûr, mais je remarque les étrangers à des kilomètres ici haha !"
"En fait, je travaille dans la région depuis 5 ans, j'étais employé par la compagnie de minage Coeur-de-Roc, enfin avant qu'elle ferme. Maintenant je vis ici et travaille à mon compte ..."
Rudolf pris une gorgée de la bière fraîche qui venait de lui être offerte et repris :
"Et comment vous nommez-vous monsieur, que je puisse vous rembourser votre bière un jour ?"