Un vol de livre. Folie ? Blasphème ?
La mâchoire du monstre me serre horriblement. J’ai mal. Les crocs du dragon noir rentrent profondément dans ma chair qui me brule. La douleur est insoutenable, j’essaie de m’échapper de l’emprise du monstre mais en vain. Puis il me relâche, mes camarades, amis et ennemis d’hier, l’attaquent de toute part, et il s’envole. Mais des centaines de flèches hérissent maintenant ses écailles, l’horreur incarnée et aussi blessée que moi, et peine à se déplacer. Et alors qu’une dernière flèche heurte la gueule du dragon, une intense lumière nous aveugle. Il semble imploser, il semble se désintégrer. Et enfin, il disparait dans un éclat de lumière violette.
Je me relève et je regarde autour de moi. Les murs sont tapissés de sang, des cadavres carbonisés et indescriptibles jonchent le sol. Est-ce un membre de l’ordre ou un de mes amis qui git à mes pieds ? Les morts se ressemblent tous…
Puis je me rends compte que nous avons gagné. Enfin. Barganéad est mort, ce dragon aussi, et l’Ordre est annihilée. Une source de malheur en moins. Qui sait ce que l’Ordre aurait fait ? Peut-être avons-nous sauvé le monde.
Il reste quelques bannis ici et là. Ils semblent avoir été invoqués… Intéressant, l’Ordre a réussi à invoquer des bannis, et même un dragon, créature de légende !
Mais est-il possible de les révoquer ? La magie de Père Fladro a fait tomber les éclairs et créer des bannis ! Aurait-il des dons divins ?
Je regarde autour de moi et aperçoit des bibliothèques. De nombreux livres sont posés sur les étagères.
Le savoir…
Est-ce là son secret ? A-t-il eut tous ces pouvoirs en lisant des livres ? S’il est possible de faire abattre la Grande Malédiction, est-il possible de l’annuler ?
D’après ce que je vois, le savoir doit permettre d’apprendre cette « magie », voire même de devenir Divin. Je m’apprête alors à lire les livres, et j’entends derrière moi une personne qui me dis : « Ces œuvres blasphématoires doivent être brulés. »
Brulés ? Brulés des livres ! Des livres capables d’appréhender les mystères de ce monde !
Je me retourne et aperçoit les impériaux. J’essaie alors de trouver un accord.
« Non, nous devons les partager, afin que chacun puisse savoir de quoi il s’agit, pour que nous puissions comprendre…
- Non, ils doivent être détruits.
- Mais… »
Leur regard se fait insistant, veulent-ils vraiment saisir ces livres ? Nous avons là la chance de comprendre la magie divine ! Voire, de l’utiliser !
Alors je fais ce que je dois faire à mes yeux : Sauver ces livres. Ce savoir capital. Je me mets à prendre le plus de livres que mes bras et mon sac puissent porter, et me mets à courir vers la sortie. J’entends alors : « Il vole les bouquins ! Tuez-le ! »
Je cours de plus belle, mais sortant de la folie, me mets à réfléchir sur mon acte et ses conséquences.
Ils vont tous me haïr, pensai-je, mon acte va peut-être relancer la guerre entre nos deux peuples. J’ai encore une chance de faire marche arrière et de m’excuser.
Mais bruler ces livres ! Je ne peux pas !
On va me traiter de fous, et l’on me dira ‘’Mais tu n’es pas comme ça en réalité ! Tu prônes la paix entre impériaux et amranéens ! Tu es pacifiste. Arrêtes cette folie !’’
Foutaises ! Comment peuvent-ils savoir qui je suis en réalité ? Ils ne savent rien de moi ! Je prie les dieux sans cesse pour que cette histoire s’arrête, j’essaie de les convaincre d’arrêter de se battre ! ON DIRAIT QUE LA GUERRE EST UN JEU A LEURS YEUX !
La paix est impossible ! L’être humain est détestable ! L’homme est vil et corrompu ! Ils aiment s’arracher les membres et planter les têtes de leurs victimes sur des pics ! Ils tuent et s’en vantent !
Tous des idiots. Il faut apprendre et devenir puissant pour arrêter la grande malédiction ! Les impériaux croient qu’il faut attendre. Les amranéens veulent reconquérir les dieux. Mais non ! Il faut détruire les dieux ! Détruire la Grande Malédiction.
Barganéad est devenu surpuissant. Même mort il continuait à parler, même mort il invoque des bannis !
Tout homme rêve d’être Dieu. Tout homme doit être Dieu !
Le savoir peut nous sauver ! Nous libérer de l’emprise des dieux !
Sortant de ma rêverie je décide de m’enfuir en emportant les livres. Que les hommes continuent de se battre, rien ne peut les arrêter ! Moi, je m’en vais faire ce qu’aucun homme n’a jamais fait, je vais arrêter la Grande Malédiction ! Du moins, j’essayerai. Mais si Fladro a réussi à acquérir des pouvoirs divins, alors je le peux aussi.
Les autres me poursuivent toujours.
Idiots ! Tous abrutis ! Aucun pour rattraper l’autre !
J’arrive sur les abords de l’ile, blessé au bras je peine à nager. Je vois que même des amranéens me poursuivent.
Thyvador… Moi qui le considérais comme un ami. Il veut me tuer maintenant.
Ils m’accusent de traitre, mais c’est eux les traitres !
Alors que les flèches autours de moi fendent l’eau, je crois mon cas désespéré. Puis je vois Razade, sur une barque, et il en entraine une deuxième.
Lui c’est un frère, un peu moins idiot que les autres, il me donne la deuxième barque. Et enfin je pars, m’éloignant de ces hommes de malheurs…
Au milieu de l’océan je me sens perdu. Et alors que je regarde les livres que j’ai trouvés, je peste. Il semble ne rien avoir d’intéressant. Tous des contes inutiles pour enfant.
Mais je trouverai ! Un jour ! J’y crois, et j’userai corps et âme à arrêter cette malédiction. Et fusse en vain, j’aurai au moins essayé.