L’épée fendit l’air et dans un sifflement s'abattit sur la tête de l’homme visé. La lame s’enfonça dans la chair, et dans un craquement coupa le crâne en deux. Le corps tomba, les yeux révulsés, les bras ballant, et s’enfonçant dans la poussière.
Scrutant l’herbe rouge et regardant avec dégout ce que je venais de faire, je sentis mon déjeuner remonter peu à peu. Une douleur vive me pris dans la poitrine, comme si une épée m’eut pourfendu. Sauf que je n’étais pas touché, il n’y avait aucune cicatrice qui ornait mon corps, j’étais entier, de l’extérieur.
Tuer un homme n’a jamais été chose facile, du moins pour moi, et me souvenir du visage meurtri de cet homme, cet impérial, cet ennemi, allait m’empêcher de dormir pendant des nuits, voire plus.
L’impérial m’avait reconnu, il s’était douté de quelques chose alors que je vagabondais non loin de la route. Il n’avait pas attaqué, il m’avait apostrophé, et pour me dire de m’arrêter il avait sorti son arme, l’air menaçant. Je crus ma vie en péril, alors je fonçai, et me fendait pour porter le premier, et dernier, coup.
Je n’avais jamais avoué que je me sentais mal à chaque fois que j’ôtais la vie d’un autre. Je m’étais dit que c’était normal, qu’il le fallait. Il fallait se défendre, se battre, tuer. J’avais toujours voulu éviter le combat, et pour cela, je voulais me faire craindre. Alors j’avais tué, pour ne plus tuer. Je n’avais rien montré de cette faiblesse. Je voulais que les individus autour de moi, amis ou ennemis, aient peur et me croient sans pitié, pour ne pas m’approcher. Et je me consolais quelquefois, en pensant que les impériaux n’étaient que des pantins de ceux qui les gouvernaient.
Mais en me rappelant le visage de cet homme, que j’avais détruit, je vis son visage innocent, surpris, les yeux grands ouverts. Alors, je me demandais qui il était, s’il avait une femme, des enfants. Avait-il choisi de devenir soldat ? En tout cas, il n’avait pas choisi de mourir.
Je remis mon existence en question. Pourquoi avais-je tué ? Alors que je n’y trouvais que du dégout.
Je me souvins de mon cher tuteur, dont je n’avais jamais vu porter une arme, et qui gardait le silence chaque fois que je lui demandais pourquoi il ne voulait pas se battre. Je commençais à comprendre.
Nous voulions nous battre pour être libre. Mais à quoi bon ? Les Dieux nous avaient-ils vus nous battre pour nous défendre ? Avaient-ils vu les amranéens s’exprimer par la lame ? Prêtaient-ils la moindre attention à la terre des bannis ? Tenir les armes pour s’opposer à un empereur n’avait mené à rien. Seule la haine était née de nos combats.
Et le sang coulait par barriques entières…
Le temple de Tran, faute de temps et de moyens, n’a jamais été reconstruit. J’ai d’abords craint le regard méfiant du Dieu, mais jamais rien ne vint ébranler mon âme.
Si les Dieux avaient depuis longtemps quitté ces terres ? Et s’ils n’y avaient jamais été ?
La grande malédiction était-elle née de la haine des hommes ? Etait-elle apparue dans le côté obscur des humains les plus pervers ?
A quoi bon se battre, alors que cela ne faisait que teindre la terre, déjà écarlate…
Il fallait arrêter ce désastre. Trouver un accord, une alliance. Chose loin d’être aisée. Certains hommes aimaient se battre, tuer et verser du sang. Certains hommes commettaient des actes de barbarie et plantaient les têtes de leurs victimes au bout d’une pique. Mais ceux-ci même pleuraient pendant des heures lorsque l’un des leurs était tombé au combat. Mais quelles différences y avaient-il entre-deux ?
Mais la vue des boyaux jonchant le sol me dégoutait, alors je me promis une chose : Je ne tuerai plus aucun homme, impérial ou amranéen. A partir de ces jours, je chercherai un moyen d’établir la paix entre nos mondes si lointains et proches à la fois.
Je ne quitterai pas les amranéens, mais je ne me battrai plus à leurs côtés, ni au côté de personne d’ailleurs. Je n’aurais plus le temps de m’occuper de Morne-Colline, le guide suprême trouvera quelqu’un d’autre pour s’occuper de la ville. Certains amranéens ne comprendront pas mon geste, d’autres me considèreront comme un couard. Mais il fallait voir à long terme : Morne-Colline tombera un jour ou l’autre aux mains des impériaux. D’ici là, il fallait arranger une paix.
Je parcourrai les terres, je visiterai des villes, des villages et des cités, sans armes et sans violence.
A la recherche d’une paix… improbable…
Et voilà un petit texte, pour justifier, en quelques sortes, mon absence et ma non-présence (un peu pléonastique…). Disons que je n’ai plus trop le temps de m’intéresser aux Guerres Akatéennes, alors je pars à la recherche d’un monde meilleur !